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Jonas Trueba, un cinéaste entre artisanat et travail collectif

Depuis 2020, l’Espagne exporte avec Jonas Trueba, 42 ans, look de garçon sage et opiniâtreté d’artiste possédé, un nouveau candidat international aux élections de l’auteur ibérique en pointe. Dans l’ombre solaire du patriarche Pedro Almodovar, eu égard à la situation difficile du cinéma espagnol dans son propre pays et à l’accueil restrictif des cinématographies étrangères sur les autres territoires, ils ne sont pas si nombreux à pouvoir y prétendre. En France, on ne voit guère que Rodrigo Sorogoyen (As Bestas, 2022) et Albert Serra (Pacifiction. Tourment sur les îles, 2022) à se le permettre. Repéré au Festival international du film de La Roche-sur-Yon (Vendée) par le distributeur Arizona, qui lui est, depuis lors, resté fidèle, Jonas Trueba les rejoint aujourd’hui, se créant chez nous, film après film, une communauté d’aficionados.
Eva en août (2019), ou la dérive alanguie et estivale d’une jeune femme solitaire à Madrid. Qui à part nous (2021), ou une expérience de cinéma partagée durant cinq ans avec un groupe d’adolescents de la capitale. Venez voir (2022), ou l’exil rural non dénué d’embarras d’un jeune couple après la pandémie de Covid-19. Telles sont les étapes d’une ascension française qui devrait trouver aujourd’hui avec Septembre sans attendre une sorte d’apothéose. Ce film, qui fit les délices des spectateurs de la Quinzaine des cinéastes à Cannes en mai, est une délicieuse et retorse comédie de remariage, à ce jour son film le plus charmant, subtil et fédérateur.
Ale (Itsaso Arana) et Alex (Vito Sanz), qui ont atteint les limites de péremption d’un long compagnonnage amoureux, décident, à moitié sûrs d’eux, de se séparer. Lancée comme une boutade, l’idée d’organiser une fête pour marquer socialement le coup et montrer l’exemplaire maturité du couple à l’égard de la navrante catastrophe qu’est plus ou moins toujours une séparation va occuper l’intégralité du film. Délectable en elle-même, et sans nécessité pour le spectateur d’aller chercher plus loin, cette drôle d’idée n’en ressortit pas moins à trois pistes distinctes.
Celle de la cinéphilie, à travers la remise sur le métier d’un genre constitutif du classicisme hollywoodien, auquel le philosophe Stanley Cavell (1926-2018) a donné ses lettres de noblesse – un recueil de ses essais, sous le titre Le cinéma nous rend-il meilleurs ? (2003), vient d’être réédité en français aux éditions Vrin. Celle, plus intime, de la filiation même du cinéaste, puisque son père, Fernando, qui joue dans le film, l’était avant lui, que c’est lui qui lui a inculqué l’amour des comédies américaines et que c’est encore à lui qu’il doit d’avoir entendu, vers l’âge de 15 ans, l’énoncé paradoxal du sujet de son film.
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