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L’Islam ouvre son horizon dans les lieux culturels

De l’extérieur, ce coquet manoir des bords de Seine, protégé par de hautes grilles parées de dorures, ressemble aux autres villas de cette enclave cossue de Chatou (Yvelines). Côté cour, la vue est imprenable sur l’île des impressionnistes, épargnée de la frénésie immobilière. Côté jardin, dans le dédale de roses et de jasmin, règne une douce quiétude entretenue par le clapotis d’une fontaine. Une langoureuse mélodie emplit les salles. Au Musée d’art et de culture soufis, qui ouvre le 28 septembre, tout est luxe, calme et volupté.
L’établissement financé par l’école de soufisme islamique MTO Shahmaghsoudi offre l’écrin rassurant d’un islam tolérant. Cannes ouvragées de voyageur et sébiles de mendiants gravées dans des cocos de mer témoignent d’une quête mystique dont les préceptes sont délivrés en persan par l’hologramme d’un maître soufi.
Même les tabarzin, sortes de haches, se délestent ici de leur caractère guerrier. « C’est symboliquement ce qui coupe les liens avec le monde matériel et avec notre ego », explique la jeune présidente du musée, Claire Bay, elle-même soufie.
A ces objets rituels répondent les œuvres d’artistes vivants versés à des degrés divers dans le mysticisme. Certains sont musulmans, comme le Marocain Younès Rahmoun ou l’Iranienne Monir Shahroudy Farmanfarmaian, d’autres pas.
« L’aura du soufisme déborde dans toute la création, au-delà des questions religieuses ou géographiques, on peut tirer mille fils », affirme la directrice du musée, Alexandra Baudelot. A ses yeux, « c’est la méconnaissance qui entretient les fantasmes les plus mortifères ». Claire Bay approuve : « Les gens entendent de la musique, ils voient de la calligraphie, des œuvres, et se disent : “Ah ! l’islam, c’est donc ça ?” »
Stéphanie Chazalon, qui pilote depuis huit ans l’Institut des cultures d’Islam (ICI), dans le quartier de la Goutte-d’Or, à Paris, s’évertue aussi à « sortir de l’altérité forcée », des mines tragiques et des sous-entendus gênés. « Notre rôle, tient-elle à préciser, n’est pas d’aborder la religion de manière apaisée – comme s’il fallait réconcilier les gens avec l’islam, ce qui est hors sujet pour l’ICI – mais bien les cultures qui sont méconnues, stéréotypées ou exotisées, en soutenant les artistes. »
Cette mise au point, à la veille de la réouverture, le 5 octobre, du bâtiment de la rue Léon (Paris, 18e), n’est pas inutile. Stéphanie Chazalon n’ignore rien des crispations qu’a suscitées la présence, dans le second bâtiment de l’ICI, rue Stephenson, d’une salle de prière régie par une association liée à la Grande Mosquée. En l’inaugurant, en 2013, Bertand Delanoë, alors maire de la capitale, n’avait pas manqué de rappeler à quel point les obstacles avaient été « immenses, culturels, politiques, psychologiques, tant il est vrai qu’il y a un contexte de racisme et de rejet de l’autre ».
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